Illlustrations

Bradjsano di gara : la maison paternelle de Bradjsano.
« Au fil du temps, la ville s'était agrandie, souvent de façon anarchique. Le port de pêche, qui avait été déplacé vers l'ouest, face au lac, était protégé de ses fureurs par deux longues jetées en forme de bras arrondis. Tout le long des quais vivaient les pêcheurs, dans des maisons aux façades peintes de couleurs pastel. Bradjsano était née dans ce quartier. »
Tome I, p. 106-107

Astilag Ohigara : le Temple d'Astilag
« Le Temple, précédé d'un parvis qui allait buter contre le bord du canal, était une haute structure octogonale dont les trois étages, octogonaux eux aussi, se dressaient, en retrait les uns par rapport aux autres, à plus d'une cinquantaine de coudées au-dessus du sol, en comptant la flèche qui coiffait le dernier étage. Chaque étage était relié aux autres par un toit en pente percé de petites fenêtres et formant autour de l'édifice une jupe de bardeaux.
Tome I, p. 115-116

Takgaramilim gara : la Maison des Citoyens
« Le quartier des Enrichis se distinguait par son architecture. Les
maisons y étaient plus vastes et comportaient un revêtement en stuc ocre,
contrairement à tous les autres bâtiments de la cité, dont les murs extérieurs étaient
en bois peint. Les Enrichis avaient poussé l'audace jusqu'à construire leur Maison
des Citoyens en pierre de taille. Les familles aînées s'étaient gaussés,
affirmant que l'édifice ne tarderait pas à s'enfoncer dans le lac sous son propre
poids. Pourtant, le bâtiment continuait de se dresser, comme une insulte à Ohi, au bord du canal qui séparait les
quartiers riches des quartiers populaires : les Enrichis avaient pris soin
de l'asseoir sur une forêt de pilotis beaucoup plus dense qu'ailleurs dans la
cité. »
Tome I, p. 144-145
Le roman restant muet sur la forme du bâtiment, l'illustration ci-dessus nous en fournit une représentation plus détaillée. La Maison des Citoyens est en fait constituée d'un corps de logis de trois étages, dont la façade comporte, dans sa partie supérieure, le nom de sa destination (Takgaramilim gara), ainsi que d'une haute tour où sont conservés les archives ainsi que, dans une chambre forte hautement sécurisée, le trésor des Enrichis : plus de 4 000 000 de kauris (le salaire quotidien moyen d'un ouvrier étant de 1 kauri).
Comme on le voit sur le plan d'Astilag (voir l'onglet correspondant à gauche), l'espace est rare dans la capitale, établie sur pilotis au bord d'un lac. Pour narguer le Temple et les familles aînées, les Enrichis n'ont pas hésité, non seulement à construire leur Maison des Citoyens à une hauteur qui dépasse largement celle du Temple (75 coudées contre 50 -- environ 38 mètres contre 25 --), mais à l'installer sur un vaste terrain qui s'orne, sur le devant du bâtiment, d'une large allée bordée -- chose impensable dans cette cité pratiquement dépourvue de végétation -- de plate-bandes de buis taillé, au centre desquelles des motifs ont été créés à l'aide de fleurs de différentes couleurs. Ainsi peut-on admirer, de gauche à droite et de haut en bas, un kauri, un poisson, un tonneau de bière et un autre kauri, le poisson et la bière étant deux ressources emblématiques d'Astilag, et le kauri étant le symbole de la «supériorité» des Enrichis.

Kauri (monnaie d'Astilag)
« Enfin, du côté nord du canal qui séparait la ville en deux, depuis la limite du quartier du Temple jusqu'à l'extrémité est de la cité lacustre, s'étendait le quartier des Enrichis. Bradjsano avait lu dans une Histoire d'Astilag que, selon la légende, des pêcheurs avaient, il y a fort longtemps, ramené dans leurs filets des algues sur lesquelles s'accrochaient des centaines de petits coquillages bleu pâle qu'on appela kauri. Les pêcheurs en firent don au Temple. Comme les récoltes de kauris se poursuivirent, le Conseil des aînés, présidé par le Maître Kama, vit dans cette découverte un signe envoyé par Ohi : ce coquillage pourrait servir de monnaie, remplaçant ainsi le troc, qui faisait trop souvent l'objet de contestations. Le kauri fut donc progressivement mis en circulation par le Temple, qui en fixa la valeur. Les pêcheurs étaient tenus de rapporter tous les kauris attrapés dans leurs filets, faute de quoi ils s'exposaient à des sanctions. Pour les rétribuer, on leur remettait une partie infime des prises. Bien entendu, plusieurs pêcheurs conservèrent en douce des kauris. Pour contrer ce recel, le Temple fit appel à des artistes pour graver sur les coquillages un huit orné, difficile à imiter. Le chiffre huit, qui se dit ohi en ilim ‒ terme qui signifie « Dieu » ‒, fit du kauri un objet béni. Le recel de coquillages cessa. L'auteur de L'Histoire d'Astilag, membre d'une famille aînée, avait conclu que « de toute manière, la ressource avait fini par s'épuiser ». Il mentionnait brièvement plus loin que des gens d'Astilag, qui avaient fait fortune par des procédés discutables, cherchaient depuis lors à étendre leur pouvoir sur la cité. Bradjsano était restée sur sa faim. Elle avait cherché à en savoir plus sur ceux qu'on appelait les « Enrichis », mais les sœurs à qui elle s'était adressée n'avaient fait que répéter la version officielle propagée par le Temple : les Enrichis étaient des gens peu scrupuleux qui perdaient leur âme dans la quête des richesses matérielles.
Bradjsano s'était donc tournée vers son amie Vasibo, qui s'était fait un plaisir de lui raconter la version des Enrichis. Selon la légende, après que la ressource se fut tarie, un pêcheur, égaré par une tempête soudaine, avait découvert tout au bout du lac, là où une chute gigantesque y déversait ses eaux, un important gisement de kauris. Il avait ainsi rapporté à Astilag des milliers de coquillages, qu'il avait soustraits au Temple. Il avait fini par s'associer à un membre ruiné d'une famille aînée et, ensemble, ils avaient suborné quelques artistes chargés de graver les kauris, ce qui leur avait permis d'introduire dans le circuit économique leur propre monnaie, identique à celle créée par le Temple. Quand le stratagème avait été éventé, il était trop tard : le pêcheur avait eu le temps d'effectuer plusieurs allers et retours vers sa source d'approvisionnement et il pouvait désormais compter sur une réserve suffisante de monnaie pour soudoyer des membres du Conseil et éviter toutes représailles de la part du Temple. Le pêcheur fit bénéficier sa famille élargie de sa nouvelle richesse. Son associé, qui avait été rejeté par ses pairs et qualifié péjorativement d'« Enrichi » (djanénamikalradjrék ‒ littéralement « ancien pauvre » ‒, qu'on abrégeait en djanénam) agit de même. Au fil du temps, un quartier neuf se développa à côté de celui du Temple. Pour bien marquer leur puissance, les Enrichis, qui avaient repris orgueilleusement le qualificatif méprisant dont on les avait affublés, érigèrent au bord du canal un grand bâtiment, encore plus haut que le Temple, qu'ils appelèrent la Maison des Citoyens (Takgaramilimgara). Ils avaient formé un comité des Cinquante, regroupant la cinquantaine de familles d'Enrichis d'Astilag, qui votait les décisions prises par le comité des Cinq, dirigé par un Doyen. Richesse et arrogance allant souvent de pair, ils tentaient depuis des lustres de retirer au Conseil ses pouvoirs sur l'administration civile de la cité, pour ne lui laisser qu'une autorité sur les questions religieuses, mais le Temple exerçait encore une forte influence sur les esprits, même chez certains Enrichis. Depuis longtemps déjà, avait ajouté Vasibo, les Enrichis, qui contrôlaient pratiquement toute l'économie, ne faisaient plus instruire leurs enfants par le clergé, mais par des précepteurs recrutés parmi les scribes formés par le Temple. Ils avaient même créé, dans l'enceinte de leur Maison des Citoyens, des classes de comptabilité et de gestion des affaires pour leurs adolescents. »
Tome I, p. 107-110
Celles et ceux qui ont lu le roman ont pu constater une évolution des systèmes économiques chez les différents Peuples de l'Eau. Si le troc constitue l'unique moyen d'échange chez le Peuple de la Source, ce système a été remplacé chez le Peuple du Lac (ainsi qu'on a pu le lire dans la citation ci-dessus) par le kauri. Le système économique évolue encore chez le Peuple de la Rivière, qui bat monnaie (d'or, d'argent et de bronze). Enfin, chez le Peuple de la Mer, la monnaie a toujours cours, mais les traites deviennent courantes et les billets sont près d'apparaître.
Voici quelques indications pour vous donner une idée des prix et des salaires dans la contrée du Lac :
Un kauri permet d'acheter : 1 pain, 1 mesure de céréale ou d'huile ou de fromage ou de lait, 1 pichet de bière, 1 poisson (moyen), 1 botte de carottes, 1 huitaine d'oeufs, 1 poulet, 1 coudée de toile (une tunique d'adulte coûte 3 kauris).
Comme on l'a vu dans le texte de l'illustration précédente, le salaire quotidien moyen d'un ouvrier est de 1 kauri; les gages d'un(e) domestique -- par ailleurs nourri(e), logé(e) et habillé(e) -- sont de 50 kauris par an.
Un kauri équivaut approximativement à un dollar ou à un euro d'aujourd'hui.